En relisant Persépolis de Marjane Satrapi

Tu m'as offert, il y a longtemps, Persépolis de Marjane Satrapi. J'ai tout de suite aimé cette BD.

- Avec une génération d'écart, l'auteure a partagé avec moi une époque historique. Je reconnais les événements, les hommes, les femmes dont elle parle. Je reconnais leurs idées, leurs espérances, leurs désespoirs, leurs douleurs. Je reconnais les problèmes qu'elle a vécus et affrontés avec courage, dignité. Un exemple d'humaine liberté.

- Son style, pour moi, révèle un mélange rare de rébellion, d'humour, de poésie, de fidélité et de tendresse, la marque de l'œuvre d'art.

J'ai abandonné la lecture du livre à peu près à la moitié, sans doute pris par d'autres préoccupations ou "urgences". Mais le l'ai gardé dans mon bureau. Ces deux derniers jours, j'ai repris la lecture. Magnifique. J'ai décidé de le relire en entier. 2 pages m'ont bien fait rigoler. Les voici :

Bien sûr, Descartes n'a jamais proféré une telle sottise. C'est une thèse fondamentale de Gorges Berkeley. Elle n'était pas dénué de fondement, philosophiquement parlant, puisque Kant l'a reprise et baptisée Phénomène dans la Critique de la raison pure, concept-fondateur de toutes les phénoménologies des Temps Modernes, y compris chez Husserl, Sartre et Trần Đức Thảo. Sur le fond, cette "plaisanterie picturale" résume bien un problème fondamental de la philosophie occidentale qu'on appelle le dualisme, Matière-Esprit, Être-Conscience, e tutti quanti: il aboutit à une rupture épistémologique insurmontable. Et c'est bien Descartes qui a clairement posée cette rupture (sans la résoudre) en faisant du "je", sujet pensant, le centre de la philosophie moderne (remarque de Hegel). Einstein s'est penché sur ce sujet et a tranché en faveur de Descartes. Schrödinger aussi, sans trancher : il est allé chercher son inspiration chez Spinoza, Mach (École de Vienne) et… le Véda Indien !

Une autre chose me frappe. Dans l'œuvre de Satrapi, les violences de l'Histoire foudroient à vif, se vrillent directement dans la chair. Dans le roman Le Sympathisant de Nguyễn Thanh Việt, elles semblent abstraites malgré le talent descriptif minutieux de l'auteur. Là réside peut-être la "supériorité" de la BD, une forme d'art à mi-chemin entre la littérature et le cinéma. Pourtant, même en ce domaine, l'art des mots peut surpasser celui de images : La douleur de Marguerite Duras, Le chagrin de la guerre de Bảo Ninh.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marjane_Satrapi

Merci pour le livre. Je vais le relire avec plaisir.

2018-01-29