Allongée sur le côté
Phan Huyen Thu
Nue au monde, je m’allonge sur le côté, s’élève en moi
la compassion pour le sort de la belle Ban,
le doigt saignant. Allongée sur le côté,
de la fente de porte s’écoule un courant chaud
solitaire. Allongée sur le côté
sur la rosée revêtant les digues aux bords du fleuve
et s’amusant avec l’ eau de crue relâchée.
Allongée sur le côté, couverte de froid,
de l’ancien froid. Dehors, le ronflement sèche les chemins.
Allongée sur le côté. L’hiver incliné
s’allonge sur le tapis de mousson. Allongée sur le côté
sur les fissures des lèvres
ne s’empressant pas depuis longtemps auprès des dents et des langues.
Allongée sur le côté,
sur le pays tropical aux quatre saisons,
derrière l’épaisse mousse du soutien-gorge
surgit une douleur lancinante et sans cause,
allongée sur le côté
je reviens ici,
à moi-même.
Traduit par Từ Huy
prix de la meilleure traduction
Espace Culturel Français à Hanoi
Concours de traduction littéraire
"Les passeurs de poèmes", 2007
*
Un poème authentique est un poème dans lequel le lecteur trouve non seulement le sujet écrivant, non seulement l’esprit et la sensation de l’auteur, mais aussi ceux de soi-même, l’image de soi-même. On pourrait dire qu’un tel poème a laissé la place aux autres pour qu’ils puissent y pénétrer par une partie de leur être ou par leur être tout entier. J’ai traduit ce poème de Phan Huyền Thư parce que je m’y suis trouvée, je m’y suis retrouvée. Je l’ai trahi en quelque sorte en y ajoutant quelques mots et la dernière phrase, mais il se peut que ce soit une trahison coopératrice qui fasse du poème un lieu de rencontre et de partage, qui puisse aider le poème, en le poussant un peu hors de sa trajectoire et le mettant probablement dans une autre orbite, en exploitant ses couches latentes d’images et de sens, à revenir à soi-même. Từ Huy.