ENTRE TRADITION ET MODERNITE, UNE NECESSAIRE LIBERTE
De tous les êtres vivants, seuls les humains enterrent et vénèrent leurs morts. C'est qu'ils savent de qui ils tiennent leur humanité. Sans l'héritage que laissent nos ancêtres, chaque génération peut au mieux recommencer une vie de bêtes, comme il en va pour tous les autres êtres vivants sur terre. Nos morts nous laissent un environnement conçu par des hommes pour des hommes à venir, un certain savoir accumulé à travers les siècles, une certaine vision de l'humain créée, réaffirmée, développée, malgré la barbarie de l'Histoire, et qui se traduisent par une certaine manière de vivre ensemble, entre nous, avec le reste de l'humanité. Sur ces bases, chaque génération continue et recommence l'aventure humaine. C'est ce qu'on appelle une tradition, une culture. Le plus précieux de cet héritage, c'est la langue. Une forme vivante de cette langue, c'est la littérature.
Les Vietnamiens pratiquent le Culte des ancêtres. Cela laisse deviner une très vieille civilisation, un temps lointain où, peu à peu, la mémoire des hommes prend la place des dieux sur l'Autel de la famille. Et, en effet, le Vietnam est une terre de vieille culture. Les Vietnamiens ne sont pas peu fiers de leur "civilisation quadri-millénaire". Ils savent que la terre vietnamienne a été un berceau de l'humanité depuis le paléolithique. Les archéologues, en mettant à jour une brillante civilisation du bronze dans le delta du Fleuve Rouge, les confortent dans leurs croyances en l'Histoire orale qui fait remonter la nation vietnamienne au royaume de Van Lang fondé il y a quatre mille ans.
Toujours est-il que dans l'Histoire écrite du Vietnam, dix siècles d'occupation chinoise (1er au 10ième siècle), imposant une politique d'assimilation féroce, n'ont pas réussi à siniser complètement ni le peuple vietnamien, ni sa culture.
Après son accession à l'indépendance au dixième siècle, le pays s'est doté d'un Etat plus ou moins inspiré de l'Etat chinois, et utilisé le Chinois comme langue administrative. La langue vietnamienne est néanmoins restée vivante, a continué de se développer. On estime que près de la moitié du vocabulaire vietnamien est d'origine chinoise. Ce qui signifie que l'autre moitié est typiquement vietnamien. Sur l'Autel des ancêtres d'autres figures sont apparues : Confucius, Bouddha... Dans la religion Cao Dai, on adore, entre autres, Jésus et Victor Hugo... Cette capacité de survivre, d'assimiler d'autres cultures est une caractéristique de la culture vietnamienne. En elle réside peut-être un espoir pour le développement d'une culture à la fois ancrée dans la tradition et ouverte sur le monde, sur la modernité. La langue vietnamienne elle-même s'y prête. Il reste à ceux qui l'utilisent de la féconder, de l'amener à la dimension de notre temps.
Si l'on regarde l'histoire du Vietnam, du point de vue des échanges culturels avec le monde, on peut retenir au moins trois grandes sources d'inspiration : chinoise, française, marxiste. On peut aussi se demander dans quelle mesure ces apports ont permis ou empêché le pays de se hisser au niveau de son époque. Question fort spéculative, certes, mais incontournable.
De la Chine, le Vietnam a reçu le Confucianisme, le Bouddhisme, le Taoïsme. Il a appris le sens de l'Etat, les fondements d'une morale sociale, un certain humanisme et, peut-être, une certaine sensibilité artistique. Cela a sans doute permis de bâtir un Etat féodal, de renforcer une conscience nationale, de développer une culture. Cela ne suffisait plus devant, d'une part, la désintégration de la société féodale à partir du dix-huitième siècle, et d'autre part, la confrontation avec les temps modernes.
Pendant cette période, la littérature de langue vietnamienne s'est maintenue et s'est développée à la lisière de la littérature officielle sous deux formes, orale et écrite. C'est sans doute la forme orale, avec les contes, les légendes, les récits, les poèmes et les chants populaires, voire le théâtre Chèo, qui a permis de conserver le fond culturel propre du Vietnam, très lié à la vie du peuple. Néanmoins, très tôt, de grands auteurs de la littérature classique de langue chinoise ont associé leurs noms à la littérature de langue vietnamienne en laissant de grandes oeuvres écrites en Nôm ou écriture démotique. Dans cette forme d'écriture, on utilise des idéogrammes chinois pour transcrire le Vietnamien, le plus souvent en associant un idéogramme pour exprimer le sens avec un idéogramme pour exprimer le son. On peut citer sans hésitation plusieurs noms. Nguyên Trai (1380-1442), sans doute la figure la plus attachante de la culture vietnamienne, grand lettré, grand homme d'Etat, grand stratège, a laissé une oeuvre poétique importante en Nôm. Il a probablement réalisé dans sa pensée le mariage des valeurs confucéennes avec d'anciennes traditions communautaires de l'antique société vietnamienne, en établissant l'équivalence du 'mandat du ciel' avec la volonté du peuple. "Paix et bonheur pour le peuple, tel est le fondement des vertus d'humanité et de justice", "Mieux vaut conquérir les coeurs que les citadelles"[1]. Le chef-d'oeuvre de la littérature vietnamienne Kim Vân Kiêu de Nguyên Du (1765-1820) est aussi écrite dans cette langue. Un autre chef-d'oeuvre incontestable, Chinh phu ngâm (La plainte de la femme du guerrier) de Dang Trân Côn (1710-1745) est plus connu dans sa traduction en Nôm (attribuée selon certains à Mme Doan Thi Diêm (1705-1748) et selon d'autres à Phan Huy Ich (1750-1822)) que dans sa forme originale. On citera aussi sans hésiter l'oeuvre de Mme Hô Xuân Huong (18ième siècle) qui a fait retentir à travers des siècles de confucianisme le rire scabreux, proprement intraduisible, d'une femme vietnamienne.
Ce qui frappe, en ces temps de prééminence de la culture chinoise, c'est que la forme d'existence d'une culture vietnamienne est essentiellement poétique. Les Vietnamiens sont plus poètes que penseurs.
Avec la colonisation française, le Vietnam a été confronté à un autre monde, le monde de la science, de la technologie, de l'industrie, du commerce, des valeurs occidentales et ...de la colonisation. La France a au moins, et malgré tout, apporté aux Vietnamiens une nouvelle manière de raisonner, d'autres valeurs humaines, une nouvelle écriture.
De tous ces apports, celui qui à long terme est peut-être le plus décisif, c'est l'écriture du Vietnamien avec des caractères latins : il permet à tout Vietnamien d'apprendre à lire où à écrire en six mois. Dès les années vingt, cette forme d'expression a conquis un statut national. On l'appelait tout simplement Quôc Ngu, langue nationale. Mais l'apport de la France ne s'arrête pas à cet aspect technique. Des générations d'intellectuels vietnamiens nourris de culture française et chinoise, mais amoureux de la langue nationale, ont contribué à polir, à affiner, et surtout à rationaliser l'usage de la langue vietnamienne. Ils ont fait, au cours du vingtième siècle, ce que les écrivains français ont fait de la langue française entre le seizième et le dix-huitième siècle. Le point fort de ce mouvement se situe probablement dans les années 1925-1945. On peut dire que la langue littéraire, voire la langue parlée, du Vietnam contemporain s'est forgée dans cette période. Et cette période se caractérise par une incroyable explosion de la créativité littéraire. Toutes les formes d'expression littéraire de l'Occident ont trouvé pendant ce laps temps une forme d'expression vietnamienne, dans le fond comme dans la forme : éditoriaux, reportages, études, essais, critiques, poèmes, romans, nouvelles, théâtre... Le refus de l'ancienne société féodale et coloniale alimente le contenu des oeuvres. L'individu obtient droit de cité, devient même une figure centrale de la sensibilité artistique. L'amour s'affirme comme valeur. La misère des petites gens des campagnes et des villes entre en littérature.
La nouvelle poésie fut illustrée par une myriade de créateurs.
Thê Lu (1907-1989) proclama sans ambages le Beau comme but et fondement de l'Art :
Je ne suis qu'un amoureux de passage
Aimant la Beauté dans ses mille formes, ses mille visages
Et je dessine, empruntant son pinceau à la belle Ly Tao
Et je chante sur la guitare à mille cordes
La Beauté, qu'elle soit sombre, passionnée, ou naïve,
La Beauté, profonde, altière,
Des monts, des fleuves, des lettres, ou de la pensée.[2]
Han Mac Tu (1912-1940) y introduisit l'obsession de la chair, l'obsession de la mort, le symbolisme, le mysticisme et le christianisme tout en les mariant harmonieusement avec les images traditionnelles.
Huy Cân (1919) fut peut-être le premier à exprimer l'absurdité de la condition humaine :
Je ne sais plus, paradis ? Enfer ?
- Oublier, oublier, oublier qu'en moi a palpité un coeur d'homme".2
Chê Lan Viên (1920-1990), poète lyrique, fut peut-être le premier à introduire le tourment philosophique dans la poésie vietnamienne.
Le souffle épique se crée une nouvelle expression chez Pham Huy Thông (1916-1988).
La fable, nouvelle manière, dépouillée, concise, fut illustrée par Bui Huy Cuong, et la satire populaire connut en Tu Mo (1900-1976) un brillant rénovateur.
Le roman en prose connut un développement prodigieux.
Le romantisme fit une entrée fracassante en 1925 avec le roman Tô Tâm de Hoang Ngoc Phach (1896-1973). Le roman social, réaliste, fut illustré par Ho Biêu Chanh (1884-1958), puis par Ngô Tât Tô (1894-1954) et, dans une expression satirique, par Nguyên Công Hoan (1903-1977) et Nam Cao (1917-1951), enfin sous une forme cynique par Vu Trong Phung (1912-1939). On trouve même le roman idéaliste, l'amour platonique, abstrait de l'humanité, l'aspiration à la pureté désincarnée, le désespoir romantique, dans les écrits de Khai Hung (1896-1947). Thiêt Can introduisit le roman autobiographique. Même le roman policier naquit avec les honneurs de la littérature avec Pham Cao Cung, et la nostalgie du passé trouva pour s'exprimer la plume prestigieuse de Nguyên Tuân (1910-1987).
L'essai fut illustré dans un style clair, élégant par Thach Lam (1909-1942).
La critique littéraire vit naître un ouvrage de maître sous la plume de Vu Ngoc Phan (1902-1987).
Vu Dinh Long (1901-1960) monta dès 1921, à Hanoi, la première pièce de théâtre moderne en prose.
Quand on étudie cette période où, au contact de la culture française et occidentale, la littérature vietnamienne fait sa mue, on est d'une part frappé par sa capacité d'assimilation, d'illustration des idées neuves qui lui viennent du monde, et d'autre part par les limites de cette assimilation : jamais elle ne s'est traduite par une pensée propre, originale, exprimée d'une manière systématique. Les Vietnamiens restent plus poètes que penseurs, et ce n'est pas un hasard si la forme prédominante de la littérature au Vietnam, c'était, et c'est toujours, la poésie.
Vers la même époque, le marxisme fit son apparition au Vietnam. Il eut, dans le domaine littéraire, des représentants prestigieux.
Hô Chi Minh (1890-1969), fondateur de Parti communiste vietnamien, homme-charnière entre le Vietnam traditionnel et le Vietnam contemporain a laissé un recueil Poèmes de prison rédigés en Chinois, selon les canons de la poésie classique Tang, caractérisés par la concision, la finesse d'expression, la délicatesse des sentiments et... un humour typiquement français.
Tô Huu (1920) fut le chantre de la poésie révolutionnaire vietnamienne, celui qui insuffla dans la mélodie des chants populaires, des berceuses ses convictions politiques, ses passions de combattant, de militant révolutionnaires. Néanmoins, chaque fois qu'il s'écarte de la veine patriotique au profit de ses seules convictions idéologiques, sa poésie tombe à plat et, parfois, verse dans l'hagiographie.
Le marxisme a certainement apporté aux Vietnamiens une nouvelle manière de concevoir le monde, de l'analyser, d'appréhender certains de ses aspects incompréhensibles jusqu'alors, par exemple le phénomène impérialiste. Il leur a sans doute permis de trouver une stratégie de lutte pour la reconquête de l'indépendance, qui s'est révélée efficace. Il leur a aussi imposé un carcan, à travers les filtres soviétique et chinois, dont ils ont encore bien du mal à se débarrasser, notamment dans le domaine culturel. Sur le plan du développement de la langue vietnamienne, le résultat le plus important à terme est sans doute le développement conséquent d'un langage scientifique et technique relativement complet qui ouvre la possibilité, un jour, d'assimiler les connaissances de notre temps. Et le résultat le plus catastrophique, c'est l'instauration de la langue de bois.
Parallèlement, dans les zones sous influence américaine, la débâcle politique et morale des années soixante et soixante-dix a provoqué chez les écrivains une recherche éperdue des systèmes nouveaux de pensées et de valeurs, de l'Orient (Bouddhisme) à l'Occident (personnalisme, existentialisme, etc.), qui a aussi contribué à enrichir la langue.
On peut penser qu'aujourd'hui la langue vietnamienne, par son degré de rationalité, par la richesse de son vocabulaire, par la poésie qui lui est inhérente depuis toujours, est en mesure d'accueillir la science et la culture de notre époque.
Pendant cette période qui s'étale de 1945 à nos jours, on peut de nouveau être frappé par la capacité des Vietnamiens à apprendre, à illustrer, et leur incapacité à critiquer, à concevoir quelque chose de neuf, d'original, sur un niveau d'ensemble, dans le domaine de la réflexion philosophique, morale, économique, sociale, culturelle... Il n'y a que dans le domaine militaire et diplomatique où leur génie semble s'imposer. Est-ce une tare originelle de cette culture ? Rien n'est moins sûr ! Dès le quatorzième siècle, un roi vietnamien a voulu introduire la monnaie en papier et rendre obligatoire l'étude des mathématiques et de la technologie dans les concours mandarinaux ! Cette expérience a été promptement rompue par l'invasion chinoise. L'incroyable floraison culturelle des années 1925-1945, l'émergence impétueuse d'écrivains iconoclastes pendant les brèves années de libéralisation culturelle, de 1987 à 1989, semblent indiquer une grande capacité de remise en question, de créativité. A quoi peut-elle aboutir, pour peu qu'on la laisse s'exprimer librement ? Nul ne peut le soupçonner, car depuis toujours, sur ce pays semble peser une malédiction : il passe constamment d'une dépendance à une autre, et si ses dirigeants savent parfois assimiler les contraintes d'une époque, rarement ils ont su les devancer.
On peut remarquer cette caractéristique de la culture de langue vietnamienne : sur le plan national, elle ne s'est jamais développée en pleine liberté. Elle s'est maintenue, elle s'est développée, constamment, dans le cadre d'une dépendance, étrangère avec la colonisation chinoise ou française, intérieure avec la prééminence de la langue officielle chinoise, et, depuis l'instauration du pouvoir socialiste, avec la prééminence d'un seul système de pensées. Actuellement, c'est à un autre type de dépendance qu'elle est soumise, la dépendance économique, par-dessus le marché ! Les vidéocassettes, les cassettes, la littérature de "masse", en provenance des Etats-Unis, de Taiwan, de Hong Kong, etc. déferlent sur le pays. En face, des écrivains, des artistes, des enseignants, des intellectuels, plus ou moins dans la famine, plus ou moins surveillés... Est-ce la raison pour laquelle sa créativité, du moins sur le plan de la pensée, de la littérature, semble singulièrement limitée ? On peut le penser. Car les rares moments dans l'histoire contemporaine du pays où elle bénéficiait d'une relative liberté, sont aussi des moments de créativité particulièrement intense, impétueuse et variée. Il en est ainsi dans les années 1987-1989 quand, profitant d'une légère ouverture du régime, une nouvelle génération d'écrivains a surgi, questionnant le monde et la condition de l'homme vietnamien d'après la guerre.
L'effondrement des systèmes socialistes en Europe de l'Est a provoqué la panique dans les milieux dirigeants du pays qui ont tenté, depuis 1989, une reprise en main de la Culture. Mais il n'est pas si facile de remettre des chaînes sur qui s'est libéré, et la nécessaire ouverture économique au monde impose des limites à la répression. Les écrivains, les journalistes, les maisons d'édition sont toujours soumises à une censure draconienne. Mais l'Union des Ecrivains du Vietnam a osé décerner son premier prix 1991 à trois romans peu orthodoxes : Manh Dat Lam Nguoi Nhiêu Ma (Terre des hommes, terre des revenants) de Nguyên Khac Truong, Bên Không Chông (La rive des sans-époux) de Duong Huong et Nôi buôn chiên tranh[3] de Bao Ninh. Inconcevable en d'autre temps, l'oeuvre du critique Lê Ngoc Trà a été couronnée. Néanmoins, plus personne n'ose éditer les oeuvres de Mme Duong Thu Huong, le dernier livre de Mme Pham Thi Hoài a dû être publié aux Etats-Unis et, au dernier Plénum du Comité Central du Parti Communiste (4-14 Janvier 1993), Duong Thu Huong, Bao Ninh, Trân Huy Quang ont été nommément attaqués.
La littérature vietnamienne est à la croisée des chemins. Le pouvoir veut l'étrangler, le temps de s'allier au capitalisme sauvage qui s'installe avec l'ouverture du pays à l'économie de marché. Trouvera-t-elle, du fond des millénaires et à travers son ouverture au monde, la force et le courage d'inventer, de concert avec les autres peuples, l'avenir ? Cette question ne concerne pas que le Vietnam, cela revient à croire que la liberté est encore possible pour ceux qui viennent au monde dans des pays pauvres.
Le monde ancien, où un pays peut vivre plus ou moins en vase clos, dans un système de pensée stable, s'achève. De ce monde le Vietnam a connu, a vécu, a payé, dans sa chair, toutes les contradictions, dans leurs formes extrêmes : Occident-Orient, Est-Ouest, Nord-Sud. Il s'apprête à entrer dans un monde nouveau, un monde semblerait-il dénué d'idéal, à la recherche de nouvelles valeurs, écrasé par les guerres économiques, déchiré par les conflits régionaux, menacé par la montée des nationalismes, des intégrismes religieux... Pour affronter ce monde, il lui faudra bien sûr se moderniser. Bien sûr, il lui faudra assimiler la science, les techniques, le droit. Il n'en a pas les moyens matériels, mais ses hommes en sont capables, et sa langue s'y prête, grâce au degré de rationalité qu'elle a déjà acquis, à la richesse de son vocabulaire. Bien sûr, il lui faudra se doter d'une infrastructure matérielle, d'une industrie, d'une économie modernes. Là encore, il ne dispose pas des capitaux nécessaires. Là encore, ses atouts fondamentaux, ce sont les hommes.
Des hommes capables d'assimiler la science, la technologie, l'économie, le droit modernes, capables d'analyser, de questionner le monde contemporain dans sa diversité, sa complexité, ses retournements, capables de deviner ses tendances profondes et ses brusques bouleversements... Et surtout des hommes capables de créer les valeurs nouvelles pour une société nouvelle, aptes à affronter ce monde incertain sans verser dans une aventure inhumaine, tel semble être le défit auquel notre culture est soumise. Elle ne saurait le relever sans une grande capacité de création, et cette créativité est inconcevable sans une grande liberté d'information, de création, de débat, pour les penseurs, les écrivains, les artistes... Pour le peuple. En ce domaine, le Vietnam a tout à gagner et ... tout à perdre, y compris sa culture, son âme.
[1] Littérature Vietnamienne, Editions en langues étrangères, Hanoi, 1979., p.211
[2] Nhà Van hiên dai (Les écrivains contemporains, 1942), de Vu Ngoc Phan, réédition par Nhà xuât ban khoa hoc xa hôi (Editions des sciences sociales) 1989, t. 2), p.691
[3] La chagrin de la guerre, Editions Philippe Picquier.