PenserLibrementLuc

" Penser Librement " de Phan Huy Duong

Un étudiant à l’INPG

 

Voyez Kien ? Un type profond. Tenez, qui d’autre à PG possède une telle présence, un tel charisme ? Qui d’autre aurait pu nous faire connaître (à nous, équipe foot PG 99/00), les profondeurs du classement ? Ceux qui ont acheté son album auto-produit ne me démentiront pas, tant ils ont l’impression de s’être fait niquer profond .

Un type profond, vous dis-je. Eh bien, non content d’avoir un nom imprononçable (un truc ‘viet’), il a un père. Vrai. Plus fort, son père a le même nom que lui ! (j’ai vérifié sur la couverture du bouquin). Et son père est AUSSI un type profond. Tant de coïncidences m’ont fait me poser des questions….ça m’a fait penser…réfléchir…m’interroger…sur le prix du kiwi au Bangladesh, sur ma voisine qui gueule à 2h00 du matin, sur la taille de mes chaussettes, sur l’oppression capitaliste au Zanzibar, pensées confuses et entremêlées, défilant sans trêve, et mon âme tanguait, tanguait, vieille gabarre, sans mât, sur une mer monstrueuse et sans bord ! Bon. Je sentais bien que penser seul ne servait plus à rien. J’avais besoin d’un guide. C’est alors que, sortant de mon engourdissement funeste, je réalisais que je tenais la solution dans mes mains : Sapristi, le bouquin du père de Kien est un essai de philo !

Vu sa faible épaisseur, et surtout, écrit dans un langage accessible, et s’inspirant des exemples de la vie quotidienne, il propose une introduction à Descartes, Kant, Hegel, Marx et Engels. Tous des gars qu’ont rien compris à rien, et que le père de Kien ça le fait bien marrer, parce que lui, il pense dia-lec-ti-que-ment. Et toc. " C’est quoi penser dialectiquement ? " Ha Ha ! pauvres profanes ! penser dialectiquement, c’est penser l’homme dans ses trois dimensions : spirituelle, vivante et matérielle (sur ce, c’est pas donné. Essayez voir, de penser dialectiquement une paire de chaussettes).

-Marx : " hé Monsieur, c’est pas juste, j’l’avais dit avant ! "

-Très juste.

-Hegel : " Nan, c’est moi ! "

-Ne vous battez pas les enfants :

La séparation cartésienne de l’Esprit et du Monde date de Descartes. Affinée par Kant, elle fonde la science depuis Newton jusqu’à De Broglie. De là, l’impossibilité de séparer l’observation de l’observateur entraîna quelques suicides chez les physiciens (un cours de PHIQ est donné à L’ENSPG, à Grenoble. Passez-y, l’entrée est gratuite). C’est sans doute cette aporie qui a conduit l’Esprit hégélien, qui marchait sur la tête, à effectuer un salto-avant pour se retrouver sur ses papattes (avec Marx et Engels), avant de foutre la merde chez les Russes et les Chinois. Un DJ au regard amphibie mixa Descartes et Marx pour sortir ce qui fut le grand tube des années 50 : " L’Être et le Néant ", suivi d’une mode qui fit fureur : l’Existentialisme. Le bouquin se poursuit sur une critique de l’idéologie du Marché, évoque le problème de l’art, assez superficiellement à mon goût, et se conclut sur la nécessité pour nos contemporains de retrouver le sens de la lutte.

Bien entendu, les puristes qui se récitent du Jankélévitch en suçant leur verveine lui reprocheront sa schématisation excessive et l’énervante faconde de l’auteur quand il parle de lui-même. Ce type n’a pas été à la Fac de philo, d’une part, ce qui apporte une fraîcheur et une liberté de ton plaisante, d’autre part, le public des étudiants, que rebutent les entortillements conceptuels des spécialistes, lui seront gré de s’abaisser jusqu’à eux.

Voilà donc un honnête bouquin, qui a le mérite de rendre la philo un poil plus accessible, et d’appeler les hommes, à défaut de résoudre les problèmes de chaussettes, à prendre en main leur destin.

Luc.